Kaiba, mon coup de cœur de l’année.Studio : Madhouse
Découpage : 12 épisodes de 24 minutes
Genre : ??? SF ???
Dans la masse des productions actuelles, que ce soit au cinéma, en littérature ou en animation, il est toujours difficile de dénicher des perles. Je suis tombé sur Kaiba par hasard, merci la providence.
Conte de science fiction enrobé dans un style visuel vaguement enfantin qui pourra rappeler à certains Gandahar ou « la Planète Sauvage » et qui semble avoir découragé bon nombre – encore que je me demande si l’on peut réellement se targuer d’aimer l’animation (qu’elle soit européenne, japonaise etc) si l’on s’arrête à la forme – Kaiba brosse de manière subtile et décomplexée (mais parfois crument, moins de 12 ans s’abstenir) les déviances, le cynisme et la folie aigre-douce d'une humanité où chaque individu a la possibilité de se stocker (ses souvenirs, sa personnalité) dans une puce manipulable, faisant du corps un simple contenant interchangeable. Une humanité de surcroit soumise à un despote sans visage. Une vieille thématique de science fiction admirablement remise au goût du jour et exploitée sans scientismes ni fioritures, mais d’un point de vue humaniste et résolument novateur. Les trouvailles ingénieuses s’enchaînent, comme par exemple ce pistolet qui permet d’ouvrir une bulle sur les souvenirs d’une personne, et d’y pénétrer comme un personnage de bande dessiné pénétrerait sa bulle narrative ; ou encore ces souvenirs qui s’échappent du corps mourant sous formes de capsules flottantes pour aller en rejoindre des milliards d’autres dérivants en longs courants dans l’espace interstellaire.
Les implications de cette technologie, qui déshumanise complètement les rapports entre les individus et leur corps et entre les individus eux-mêmes (la vie semble ne pas avoir beaucoup de valeur) sont tout au long de la série illustrées par des personnages qui ne laissent jamais indifférent, et l’on est tour à tour pris aux tripes (l’épisode 3 est d’une tristesse…), écœuré, attendri ou amusé par leurs travers et ceux des sociétés dans lesquelles ils vivent.
Ce thème de la mémoire est le fil conducteur , et c’est donc ironiquement à travers le voyage d’un héros amnésique – cliché éculé fonctionnant à merveille ici – que l’on découvre donc, complètement
largué, un univers complexe dont les règles nous échappent, souvent cruelles ou amères, et d’un cynisme reflétant parfaitement notre époque désillusionnée. On ne tombe cependant jamais dans le glauque, et il se dégage toujours de l’ensemble une poésie et une sensation d’irréel qui laissent «confortablement engourdis » à la fin de chaque épisode. L’histoire en elle-même n’a rien de forcément révolutionnaire, on y trouve une quête amoureuse, de la trahison, de la folie mais surtout, des rapports humains dans toute leurs complexité : l’identification aux protagonistes a été pour ma part totale, tant ceux-ci sont crédibles (comprendre : crédibles dans leurs interactions au monde qui les entoure et dans leurs rapports aux autres, à la différence de séries dont je tairais le nom). Pas de manichéisme ici, aucun personnage n'est blanc comme neige (l'inverse est vrai aussi) et tous agissent selon leur motivations.
La trame narrative est assez tordue et demande un suivi attentif (le spectateur n’est pas pris pour un imbécile, et on vous demandera d’utiliser quelque peu vos neurones, ce qui est… rafraichissant !). A l’instar d’Ergo Proxy, on peut la décomposer en deux parties plus ou moins distinctes : les 6-7 premiers épisodes décrivent le voyage du héros, sur une succession de planètes ayant un coté « Petit Prince » – ce qui n’est surement pas dû au hasard, tant le réalisateur semble influencé par les œuvres européennes – et sur lesquelles il va être durement confronté à la réalité de l’univers dans lequel il vit, tout en le découvrant au même rythme que le spectateur. La seconde partie s’articule comme un puzzle mêlant action et révélations (Et Kaiba apporte son lot de surprises), pour nous livrer les clés : qui est qui et surtout pourquoi, jusqu’à un final grandiose flirtant avec évangelion.
Cette histoire est servie d’une main de maitre par un Yuasa masaaki et toute une équipe technique aux petits oignons, qu’on sent totalement impliquée. Par exemple : l’épisode 4 à été
entièrement ( !) réalisé par le-dit animateur : 5200 dessins et 9 mois de boulot... Le chara design et l'univers graphique en général sont d’une innocence voulue, et mettent parfaitement en relief la dureté du monde de Kaiba. Spicy, décomplexés, faussement naïfs, toujours poétiques, parfois trips sous ecsta/LSD (au choix ou les deux en même temps), ils sont de plus servis par une animation de haut vol, pleine d’audace visuelle : ce que j’ai vue de mieux depuis… Mind Game sûrement. L’environnement sonore n’a pas été oublié, et je ne parle pas seulement des musiques : les sons ont été
travaillés, chose malheureusement rare dans l’animation de nos jours, qui nous noie généralement dans le fait-à-la-va-vite, la cacophonie ou…. le néant total. Ils contribuent pourtant fortement à l’immersion en donnant une autre dimension à ce que l’on est en train de voir et ce, finalement bien plus que la musique qui est plutôt là pour rythmer l’action ou souligner un sentiment général. Celle-ci justement, est digne d’OST comme celles d’Haibane Renmei, Paranoia Agent ou Ergo Proxy. On sent qu’elle a été
pensée pour l’univers qu’elle accompagne, et j’ai personnellement pris beaucoup de plaisir à la réécouter.
Je ne peux que proposer à ceux qui ne l’ont pas vu de tenter l’expérience, tout en la déconseillant aux plus jeunes. Au-delà du fait que Kaiba aborde le sexe de manière parfois crue (mais toujours de façon mature, naturelle ou grotesque dans ses excès – on est à 1 millards de kilomètres du hentai ou du ecchi.) et distille une certaine dose de violence (plus dans le propos, mais aussi dans l’image) et un érotisme léger, c’est surtout qu’il s’agit d’une œuvre demandant une certaine maturité à son public, exigeante – et c’est à mon sens ce que devrait faire plus souvent l’animation en tant que média.
Je vais avoir du mal à passer à autre chose !
Le seul souvenir matériel de Kaiba au début de l'anime.
la jeune Chroniko
Neiro
popo
Warp/kaiba sous une forme d'emprunt : les corps en tant que contenant sont interchangeable, certains allant jusqu'à vendre le leur (littéralement)